Où? | MICHAEL SNOW |
Quand? | 02 mars au 06 mai |
Vernissage / Lancement | Vernissage le 2 mars 2017 À 17h |
Artiste(s) | JOËLLE COUTURIER |
LES TÉRATOLOGUES / L’ENFANT-LOUP
« En ces temps-là, le monde était d’abord peuplé par des organes isolés, animés. Alors commencèrent de germer bien des têtes sans cou et des bras séparés de leurs corps se mirent à errer sans épaules. Et des yeux privés de front. Privés de corps, les membres sous l’empire de la haine erraient çà et là, disjoints, désireux de s’unir. Puis, tous ces morceaux errants et épars se rassemblèrent au hasard des rencontres et s’édifièrent de toutes les manières possibles dans une multitude de combinaison hétéroclite. » [1]
Le projet Tératologues part des concepts de monstruosité et de magnificence du corps. Précisément, inspirée par trois générations de ma famille porteuse d’anomalies corporelles, je me suis intéressée aux gens présentant des malformations congénitales ou ayant des corps atypiques. Je me suis questionné sur ce que ces difformités pouvaient ajouter ou enlever au corps et j’ai traduit sous forme de sculptures d’improbables créatures hybrides référant à ces notions. J’ai toujours été fascinée par le corps et ses anomalies, par les cirques et autres fêtes foraines ou freak shows. J’y trouve une inspiration profonde et stimulante qui met à mal l’esthétique commune du corps, de l’ordre et de la norme. C’est en jouant avec ces notions qu’une suite de sculptures faites de parties de corps moulés a commencé à naître, auxquelles j’ai greffé divers objets du quotidien, commerciaux et culturels (reliques religieuses, cheveux, morceaux de bois, ruban adhésif, etc.). En résulte des sculptures à la facture parfois kitsch, montrant par exemple des siamois ou des êtres atteints d’hypertrichose [2]. Ce projet est en quelque sorte une réflexion sur la place qu’occupe ce qu’on qualifie d’anormal, de «monstrueux», dans notre société où tout est idéalisé et manufacturé. Les individus d’aujourd’hui sont habités par la hantise de la dégradation physique de leur image. La beauté est devenue un impératif : « sois beau ou, du moins, épargne-nous ta laideur. » [3] La beauté règne partout, « même les cadavres sont beaux – proprement emballés dans des housses en plastiques et alignés au pied des ambulances. Si ce n’est pas beau, il faut que ce le soit. » [4] Pourtant, les « phénomènes de la nature » que sont les êtres difformes fascinent encore. Quelle place laisse notre époque, obnubilée par la dégénérescence du corps, à ces corps insolites ? Le projet Tératologues est en quelque sorte une réponse plastique sous forme d’installation à ces questionnements et à ces fascinations. Il s’agit de pousser plus loin la réflexion sur le monstrueux, le sordide, en utilisant l’irrationnelle puissance des images. Avec le projet Tératologues, le besoin de créer des brèches s’exprime pour dérégler la prévisibilité de nos vies quotidiennes.
L’enfant-loup
Sur des socles, au sol, au mur, et suspendues au plafond prennent places des restes humains sculpturaux. Au centre, dans un espace clos, l’enfant-loup. Conjoncture entre l’idée de la tératologie et mes antécédents familiaux, mon deuxième fils, épargné par les anomalies corporelles, prend ici une forme lycanthrope. Dans cet espace, une bande sonore d’Anaconda (Jean-François Leboeuf et Benjamin Tremblay) permet au spectateur de vivre un moment intime avec l’Enfant-Loup.
BIOGRAPHIE
Originaire de Sept-Îles sur la Côte-Nord, je suis détentrice d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques. Mon travail se caractérise par une scission de l’ordre vers le chaos. C’est par la sculpture, l’installation et la performance que prend place cette expérience esthétique qui se veut également entre magnificence et monstruosité. Mon travail a été présenté à plusieurs endroits notons entre autres le centre Ginestrelle à Assise en Italie, le Festival de théâtre de rue de Lachine, L’Écart…lieu d’art actuel, Dare-Dare ainsi que la Saw Gallery. D’autre part, j’ai réalisé la scénographie d’Acéphales, pièce de danse présentée au Monument national avec la chorégraphe Catherine Lavoie-Marcus. Je suis également co-fondatrice des collectifs de performance SPIRIT DUPLICATA et Les étrangers de l’intérieur. En 2012, je participais à l’écriture de Dislocation/projet d’intervention urbaine. Je vis et travaille à Vaudreuil-sur-le-Lac.
DÉMARCHE
Protagoniste d’actions festives, je m’intéresse à la célébration, à l’expérientiel, à la séduction ainsi qu’aux corps qui entrent en jeu dans ces divers modes. Mes projets prennent différentes formes et intègrent une variété de médiums : sculptures, performances, installations comprenant moulages, animaux naturalisés, aliments, etc. La nourriture joue un rôle important au sein de mes installations, lors de la conception d’objets divers et durant mes performances. Je l’intègre sous toutes ses formes, car elle reflète un moment de réjouissance « intime », quelques fois banal, mais souvent festif et frénétique où le contrôle s’échappe. Le concept de perte de contrôle me fascine et il rejoint l’idée de fête émergeant de mes œuvres. J’utilise le corps, souvent le mien, comme moyen de transcription et d’actions. Je le déconstruis et le morcelle dans mes sculptures et je le mets en danger dans diverses situations au sein de mes performances. Il demeure toujours dénaturé et mes attributs exagérés par des actions excessives, déjantées et un visuel surchargé. Peu importe le médium, mes œuvres évoquent une imagerie chimérique où tout semble se déployer autour de cérémonials triviaux et mystiques lors desquels quelques vestiges intrigants sont laissés derrière. J’ai besoin de créer des univers qui oscillent entre l’ordre et le chaos, qui jouent sur l’invraisemblance et l’onirisme : le tout tendant à refléter une déconstruction de l’enchaînement rationnel des événements et des symboles. Je cherche à ce que mes œuvres aient un impact ambivalent sur le public allant du dégoût au désir, de la répulsion à la convoitise.