Quand? | 30 mars au 30 novembre |
Artiste(s) | Denys Tremblay |
La crise des NFT et l’arrivée du “cryptoart” ne transforment pas les logiques du marché de l’art
Le centre Bang est fier de collaborer de nouveau avec l’artiste Denys Tremblay et l’invite à réfléchir à une question majeure, celle de la reconnaissance des artistes par les acteurs du milieu de l’art. Cette réflexion aura comme toile de fond les transformations numériques actuelles que l’on constate concernant le marché de l’art.
Pour cette résidence de conception, La Pulperie / Musée régional et le centre Bang rassemblent leurs forces pour soutenir l’artiste Denys Tremblay.
Mise en contexte
Changer les modes de paiement lors de l’achat d’une oeuvre d’art ne signifie pas qu’il y a des transformations fondamentales dans le marché de l’art, même si le titre de propriété numérique est contrôlée exclusivement par l’artiste. Dans les derniers mois, de plus en plus d’oeuvres ont été mises en vente directement par les artistes en utilisant les jetons non fongibles (NFT, de l’anglais non-fungible token) et la chaîne de blocs (blockchain). Cette nouvelle réalité soulève d’énormes questions et génère assurément de multiples inquiétudes pour les opérateurs du marché de l’art, galeristes et musées inclus.
Le centre Bang est évidemment favorable à toute possibilité d’améliorer les revenus des artistes. Toutefois, l’engouement actuel pour ces nouveaux outils numériques découle en partie d’un potentiel prometteur, mais également d’une logique de spéculation financière. Il importe dès lors de prendre position et de créer un espace de réflexion approprié, impliquant des expertises de différents secteurs pour tenter d’agir au lieu de réagir.
L’objectif est d’établir une approche cohérente avec les valeurs du milieu de l’art québécois, voire canadien et international. En effet, sans pensée politique, l’utilisation des NFT ne résoudra pas une question fondamentale, celle du pouvoir de la reconnaissance de l’artiste et de son œuvre par les pairs et par les institutions. On ne désintermédie pas les prérogatives des institutions du milieu de l’art en changeant de mode de paiement, surtout que dans l’engouement actuel, très peu d’acteurs s’interrogent sur la gouvernance de ces outils. La seule pensée critique à l’œuvre actuellement concernent les NFT est la consommation d’énergie nécessaire à leur fonctionnement, ce qui apparaît pertinent mais insuffisant.
La réponse : la Cryptomonarchie
Le centre Bang invite donc l’artiste Denys Tremblay à effectuer une recherche-création dans le cadre du projet de Cryptomonarchie qui impliquera des collaborateurs pouvant offrir des expertises muséales, légales, économiques et technologiques sur le nouveau modèle d’affaire que l’on désigne sous l’appellation de «cryptoart». Il s’agit d’une étude préliminaire afin de déterminer la faisabilité et la viabilité d’une nouvelle forme de mise en marché internationale.
Le but est d’utiliser les possibilités de la blockchain pour offrir aux institutions, aux artistes et aux citoyens d’acquérir collectivement, dans un premier temps, les Bijoux de la couronne, créés dans le cadre du really-made du Royaume de l’Anse-Saint-Jean et de les mettre en valeur en fonctionnant selon un modèle de gouvernance partagée entre les copropriétaires. Cette stratégie, une fois validée par cette première expérience, sera étendue à d’autres œuvres pertinentes et à d’autres artistes chevronnés.
Ce projet pilote est une véritable transformation technologique permettant une démocratisation profonde et responsable de nos approches commerciales en art. L’application de la cryptographie garantira la sécurité et la privauté des données des utilisateurs et permettra l’acquisition des titres de propriétés sans faire appel à des intermédiaires. Non seulement ce projet rendra possible l’acquisition collective d’œuvres d’art mais permettra surtout une réflexion appliquée concernant la mise en valeur communautaire de celles-ci avec des musées partenaires.
Aujourd’hui, le consommateur culturel averti voudra acheter des œuvres qu’il aime pour leur nouveauté et leur authenticité. Mais il souhaite aussi profiter éventuellement du pari qu’il fait sur l’innovation artistique qu’il a choisi de promouvoir. Son choix est avant tout un coup de cœur mais c’est aussi, pour plusieurs, un investissement. L’acquéreur désire que ses choix d’œuvres et d’artistes puissent être en phase avec la reconnaissance des institutions et les «passeurs culturels» qui rivalisent d’imagination pour intéresser et fidéliser de nouveaux publics à l’innovation artistique.
La Cryptomonarchie explore cette alliance entre artistes, institutions et acquéreurs. Sous la forme d’un projet d’économie sociale appliquée au marché de l’art, l’artiste Denys Tremblay, le centre Bang et leurs partenaires veulent développer un service essentiel pour notre milieu artistique puisqu’il vise non seulement une rentabilité économique mais une rentabilité sociale.
L’artiste des réalités impossibles
Denys Tremblay est une personnalité associée depuis toujours à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Sur le plan philosophique, il est l’un des premiers penseurs du périphérisme. Sur le plan artistique, il est l’inventeur du really-made qui permet la mutation jusque-là impossible d’un idéal artistique en nécessité pleinement assumée par les instances décisionnelles. La pratique du really-made permet de circuler physiquement dans «les mondes parallèles» dont l’existence scientifique nous a été révélée par la mécanique quantique. C’est pourquoi Tremblay se définie maintenant comme un artiste quantique. Le really-made économique envisagé par le projet de la Cryptomonarchie complétera une trilogie artistique particulièrement singulière.
En effet, nous connaissons son really-made diplômatique qui a permis à un doctorat de devenir littéralement une œuvre d’art pour la première fois. Sa thèse n’est pas seulement un volume écrit mais un volume sculptural à trois dimensions et une unité de mesure permettant d’évaluer la hauteur des aspirations, la largeur des points de vue et la profondeur des idées d’une entreprise artistique et académique. Le verbe universitaire s’est fait œuvre d’art.
Nous connaissons surtout son really-made monarchique qui a été qualifiée comme étant «l’une des performances artistiques les plus incroyables de notre histoire» par certains observateurs. En 1997, son personnage L’Illustre Inconnu est devenu un vrai roi municipal et le village de L’Anse-Saint-Jean est devenu un véritable royaume. Les deux ont ainsi accédé à la pleine souveraineté jusque-là impossible en outrepassant l’arbitraire de la réalité politique du moment. L’art a pu régner légalement dans la vie collective d’une communauté.
L’artiste-roi entreprend avec le centre Bang la réalisation d’un really-made économique communautaire tout à fait novateur permettant au marché de l’art d’entrer dans la 3ième économie dite «de pair à pair».
Démarche artistique
Denys Tremblay se définit maintenant comme un artiste quantique parce qu’il met en dispositif l’incertitude, l’indécidable, la transmutation, le déplacement pour que l’art devienne une réalité sociale partagée, négociée et gagnée ensemble. Tremblay n’est pas un révolutionnaire mais un « roivolutionnaire ». Il ne rêve pas à un coup d’état, au grand soir, mais il complote des « coups d’état d’esprit » locaux qu’il met au grand jour. Il préfère avoir 80 % de quelque chose que 100 % de rien du tout. L’art peut le tuer… L’auteur Hervé Fischer lui a consacré un livre abondamment illustré (Un roi américain, VLB éditeur, 2009). Pour lui, Denys Tremblay est l’un des premiers penseurs du périphérisme et nous propose un exemple sidérant d’art extrême. Il place l’artiste-philosophe engagé aux limites du possible, au même niveau que Marcel Duchamp mais en adoptant une vision diamétralement opposée. L’auteur Jean-Pierre Vidal estime que Denys Tremblay est un outrepassant. Il aura incarné sensiblement toutes les interrogations et interrogé toutes les pratiques de son temps, finissant par réinscrire la plupart des obsessions dites postmodernes dans une œuvre qui reste, au contraire, fondamentalement moderne. Pour Vidal, il aura fait « un pas au-delà » dans au moins quatre discours capitaux pour la pensée de l’art de notre temps : Duchamp, ses ready-made et sa liquidation/célébration de l’art ; Baudrillard et sa réflexion sur la société de consommation, les simulacres et la fin du social ; Debord et sa critique de la société du spectacle ; enfin, Debray et la mort de l’image au siècle de la prolifération apocalyptique des images.